Publication: 19.09.2024 | Modifié: 25.09.24 | Auteur: Thibault Paquier
économiseur d'énergie
Cadre légal Suisse de la construction: lois, Minergie, CECB et SNBS
Publication: 19.09.2024 | Modifié: 25.09.24 | Auteur: Thibault Paquier
La Suisse a ratifié en 2015 l’Accord de Paris, dont l’objectif principal est de maintenir « l'augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels » et de poursuivre les efforts « pour limiter l'augmentation de la température à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels. » Cependant, au vu des nouvelles tendances, les scientifiques ont souligné la nécessité de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C d'ici la fin de ce siècle. Pour ce faire, les émissions de gaz à effet de serre doivent culminer avant 2025 au plus tard et diminuer de 43 % d'ici 2030. En Suisse, le Conseil fédéral s’est fixé depuis août 2019 l’objectif de zéro émission nette d’ici à 2050, afin de ne pas rejeter plus de gaz à effet de serre dans l’atmosphère que ce que les réservoirs naturels et artificiels sont capables d’absorber.
Le secteur de la construction et du bâtiment est responsable de 22,6 % des émissions de gaz à effet de serre en Suisse, soit le troisième secteur le plus contributeur, derrière le transport et l’industrie. En termes d’énergie, le parc immobilier représente 40 % de la consommation d’énergie finale du pays, soit environ 90 TWh. Il est donc évident que ce secteur constitue une priorité pour la Confédération afin de limiter son impact et tendre vers cet objectif zéro net d’ici 2050. Premièrement, nous nous pencherons sur le cadre légal de la construction durable au niveau fédéral, puis cantonal. Enfin, nous aborderons les labels soutenus par les cantons et la Confédération : SNBS, Minergie et CECB.
En 2019, suite aux conséquences des résultats du rapport du GIEC sur un réchauffement planétaire à +1,5°C, le Conseil fédéral a fixé l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050. Cet objectif a ensuite été ancré dans la loi le 18 juin 2023, grâce aux 59,1 % de citoyens et citoyennes suisses qui ont voté « oui » à la loi sur le climat et l’innovation.
Pour atteindre cet équilibre, la loi prévoit différentes mesures ainsi que des objectifs indicatifs d’ici 2050 pour favoriser la transition des secteurs du bâtiment, des transports et de l’industrie. Ces objectifs prévoient une baisse des émissions de 82 % d’ici 2040 et de 100 % d’ici 2050 pour le secteur du bâtiment (1). Pour y arriver, la Confédération a instauré une aide de 200 millions de francs par an, limitée à 10 ans. Cette aide concerne tous les propriétaires qui souhaitent remplacer leurs chauffages fossiles par des chauffages au bois ou des pompes à chaleur, ou qui souhaitent améliorer l’isolation de leur maison. Cette mesure vient ainsi renforcer le Programme Bâtiments déjà mis en place par la Confédération pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments.
La loi sur le CO2 vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990, avec un objectif de neutralité carbone d'ici 2050. Pour ce faire, la loi vise à encourager la transition énergétique tout en soutenant l'économie et l'innovation (2). Les différentes mesures de la loi sur le climat et l’innovation doivent être définies dans la loi sur le CO2. Toutefois, les mesures de cette dernière ont été jugées pas assez contraignantes par certains pour réduire efficacement les émissions de CO2 et ainsi atteindre les objectifs climatiques suisses. Malgré tout, la loi sur le CO2 a été prolongée jusqu’en 2024, suite au refus des Suisse de sa révision en 2021.
La loi sur l’énergie (LEne) vise à ce que la Suisse propose un approvisionnement énergétique suffisant, diversifié, sûr, économique et respectueux de l’environnement. Elle fixe des objectifs en matière d’efficacité énergétique et d’utilisation des énergies renouvelables. Elle encourage également l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments, à la fois pour les nouvelles constructions et pour les rénovations. C’est l'Ordonnance sur l'énergie (OEne) qui met en application les directives de la LEne au niveau fédéral et fournit des précisions sur les normes et les procédures à respecter. Elle inclut des dispositions sur la construction durable, en définissant des standards minimaux d’efficacité énergétique pour les bâtiments et les appareils électroménagers (3).
En accord avec la Constitution fédérale et la loi sur l’énergie (LEne), chaque canton est responsable d’implémenter ses propres lois en matière d’énergie dans le secteur du bâtiment, afin d’inciter ses citoyens à l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables. Afin de coordonner leurs actions, les cantons collaborent au sein de la Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie (EnDK) (4). Ensemble, les services de l'énergie ont développé le Modèle de prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC 2014, actualisé en 2018), qui fixe des normes pour la construction et la rénovation. Ce modèle définit des critères de performance pour les installations techniques ainsi que pour l'isolation des toits, des murs et des fenêtres (5). L'un de ses objectifs principaux est de réduire la consommation énergétique des bâtiments pour le chauffage et la production d'eau chaude. Les autres objectifs clés du MoPEC incluent une amélioration significative des performances des bâtiments rénovés (avec un objectif de 6 litres d'équivalent mazout par m²), la promotion des énergies renouvelables (à hauteur d'au moins 20 %) et la généralisation du Certificat énergétique cantonal des bâtiments (CECB). Cependant, bien que le MoPEC cherche à unifier les exigences pour tous les cantons, il existe toujours des différences. À titre d’exemple, Fribourg, un canton plutôt en phase avec la transition énergétique, exige l’utilisation de la norme SIA 380/1, édition 2016, qui fait référence aux exigences de performance thermique des enveloppes de bâtiment. Par conséquent, la part liée à la promotion des énergies renouvelables varie selon les cantons : à Fribourg, 30 % pour les nouvelles constructions et 20 % pour les rénovations. Dans le canton de Vaud, il n’y a pas de part minimum pour la rénovation, mais 30 % pour les nouvelles constructions.
Il est important de garder en tête que le MoPEC est en constante évolution, influencé positivement par les données des labels tels que Minergie pour adapter au mieux les exigences légales. Lors de l’Assemblée plénière du 30 août 2024, par exemple, les directrices et directeurs cantonaux de l’énergie ont révisé la partie E (production propre de courant) et F (installations de production de chaleur), afin de renforcer les exigences en matière de production propre d’électricité pour les nouvelles constructions (6).
Les cantons adoptent souvent les normes SIA dans leurs réglementations locales, notamment pour l’application du MoPEC. Les normes SIA (Société Suisse des Ingénieurs et Architectes) sont des directives techniques utilisées dans le secteur de la construction en Suisse pour garantir la qualité, la sécurité et la durabilité des ouvrages (7). Il ne s’agit pas de lois, mais de normes privées qui n’ont une valeur juridique que dans le cadre d’accords contractuels, conformément au Code des obligations. Elles sont largement reconnues et jouent un rôle essentiel dans le processus de planification, de construction et de gestion des bâtiments et infrastructures. Par exemple, la norme SIA 380/1 établit des standards pour l'efficacité énergétique et la norme SIA 112/1 « Construction durable – Bâtiment », qui intègre des critères de durabilité dans les projets de construction.
Trois labels de construction sont soutenus par les cantons et la Confédération pour contribuer aux objectifs de la politique énergétique et climatique du pays, ainsi qu'à la stratégie de développement durable : SNBS, Minergie et CECB.
Le Standard Construction Durable Suisse (SNBS) Bâtiment version 2023.1 est le référentiel suisse qui évalue la durabilité des bâtiments. La certification SNBS promeut la construction durable en Suisse en évaluant les bâtiments selon des critères environnementaux, économiques et sociaux (8). Ce standard encourage la réduction des émissions de CO2 et l'utilisation efficace des ressources, tout en assurant le confort des occupants. En adoptant une approche globale, le SNBS soutient la transition énergétique et garantit des pratiques durables tout au long du cycle de vie des bâtiments. Il intègre des outils et recommandations existants, tels que la directive SIA 112/1 « Construction durable – Bâtiment », les objectifs de la société à 2000 watts et les critères Minergie-ECO. Il peut être utilisé aussi bien pour les bâtiments neufs que pour les rénovations dans différents secteurs comme l'habitation, l'administration ou l’éducation, et promeut l'intégration d'énergies renouvelables ainsi que la réduction des énergies fossiles pour un impact environnemental minimal.
Minergie se définit comme « le label suisse qui garantit confort, efficacité énergétique et protection du climat, aussi bien pour les constructions neuves que pour les rénovations ». Il repose sur une forte efficacité énergétique ainsi que sur le recours aux énergies renouvelables (9). Les bâtiments labellisés Minergie n'émettent pas de CO2 en phase d'exploitation et réduisent au maximum les émissions de gaz à effet de serre lors de la construction. Actuellement, pour obtenir le label Minergie, un bâtiment neuf ou rénové doit :
-présenter des besoins en chaleur inférieurs aux normes légales ;
-ne plus utiliser de chauffage à énergie fossile (sauf pour les pics de charge ou dans le cas de couplage chaleur-force) ;
-être équipé d’un système de ventilation automatique (bien que pas obligatoire pour toutes les affectations).
De plus, les nouveaux bâtiments doivent également intégrer des panneaux photovoltaïques et offrir une protection contre la surchauffe estivale. D'ailleurs, Minergie se démarque sur ce point précis, puisqu'ils se basent sur des projections météorologiques futures (2035) plutôt que sur des données passées, tenant ainsi compte de l'impact du déréglement climatique et de l'évolution des températures. Finalement, Minergie recommande par ailleurs que les installations techniques, l’éclairage et les appareils électroménagers soient économes en électricité.
Minergie propose trois labels pour les bâtiments neufs, qui peuvent tous être combinés avec les certifications ECO (bâtiment écologique et sain), SQM Qualité (exigences de qualité au cours de la construction), SQM Exploitation (contrôle et réglage simple des installations techniques) ou PERFORMANCE (exploitation optimisée pour les grands bâtiments). Ces labels peuvent aussi être utilisés pour les bâtiments rénovés, combinés avec les compléments ECO et SQM, mais avec des exigences moins strictes que pour les bâtiments neufs.
-Minergie (besoins de chaleur environ 20 % plus faibles qu'un bâtiment similaire construit selon les normes légales) ;
-Minergie-P (bâtiment particulièrement bien isolé avec des besoins de chaleur environ 50 % plus faibles qu'un bâtiment similaire construit selon les normes légales) ;
-Minergie-A (bâtiment qui produit autant d'énergie qu'il en consomme, avec des besoins de chaleur environ 50 % plus faibles qu'un bâtiment similaire construit selon les normes légales).
Finalement, le label Minergie permet, sous certaines conditions, d'augmenter la surface constructible pour des bâtiments neufs. Cette opportunité est généralement liée aux régulations cantonales et communales en Suisse, qui soutiennent l'efficacité énergétique et la construction durable en offrant des bonus de densité pour les bâtiments certifiés Minergie. Par exemple,
- Canton de Vaud : Dans ce canton, les bâtiments neufs certifiés Minergie peuvent bénéficier d'une augmentation de la surface brute de plancher (SBP) pouvant aller jusqu'à 5 % pour les constructions respectant les standards Minergie, Minergie-P ou Minergie-A. Cette incitation vise à promouvoir l’adoption de normes énergétiques plus strictes.
- Canton de Genève : À Genève, une majoration de la surface constructible est également possible pour les bâtiments conformes à certains standards de performance énergétique, dont le label Minergie. Dans certains cas, cette majoration peut atteindre 10 %.
Ces bonifications dépendent toutefois de conditions spécifiques et doivent être validées par les autorités locales. Les règles peuvent varier d’un canton à l’autre, il est donc essentiel de consulter les régulations locales ou de s’adresser directement aux services cantonaux compétents pour obtenir des informations précises et actualisées.
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La certification CECB (Certificat Énergétique Cantonal des Bâtiments) évalue la performance énergétique d’un bâtiment en fournissant une note basée sur la qualité de l’enveloppe, le bilan énergétique global, ainsi que ses émissions directes de CO2, sur une échelle de sept classes (A à G). Elle permet de mesurer et de comparer la consommation d'énergie des bâtiments, offrant des recommandations pour améliorer leur performance énergétique. Ce certificat assure la conformité aux normes cantonales et guide les propriétaires dans les rénovations pour réduire les coûts énergétiques et les émissions de CO2, tout en favorisant des constructions durables et économes en énergie (10).
Il est important de comprendre que le Certificat Énergétique Cantonal des Bâtiments (CECB) peut s'avérer obligatoire dans plusieurs cas précis, comme lors de la vente d’un bien immobilier. Le CECB est également requis pour obtenir certaines subventions, par exemple pour l'installation d'une pompe à chaleur en remplacement d'une chaudière à énergie fossile, notamment dans le canton de Vaud. De plus, le CECB est souvent nécessaire pour bénéficier d'une hypothèque verte à des conditions avantageuses auprès des banques. Notre bureau Frilow propose des prestations CECB et CECB Plus, pour vous accompagner dans la réalisation de vos projets.
Le cadre légal suisse pour la construction durable, qui inclut des normes comme Minergie et le Standard SNBS, fournit des bases solides pour favoriser l'efficacité énergétique et l'utilisation des énergies renouvelables dans les bâtiments. Cependant, il est intéressant de se demander si ce cadre légal est suffisant pour répondre aux objectifs climatiques de la Suisse. Il paraît évident que les normes doivent continuer d’évoluer pour répondre aux exigences croissantes en matière de réduction des émissions et d'efficacité énergétique. L'application effective de ces normes, ainsi que leur adoption généralisée par les propriétaires et les constructeurs, sont cruciales. Il est nécessaire de surmonter les obstacles liés aux coûts et à la complexité des rénovations. Pour pallier ces défis, des incitations financières et un soutien accru sont nécessaires, tels que le Programme Bâtiments ou les aides de la loi climat et innovation. Enfin, il est essentiel de comprendre que la rénovation des bâtiments est une solution préférable à la construction neuve, car les labels prennent en compte l'énergie grise déjà utilisée. Cela permet d'atteindre plus facilement les valeurs limites, de revitaliser durablement les bâtiments anciens, tout en réduisant l'impact environnemental.
2) https://www.uvek.admin.ch/uvek/fr/home/detec/votations/loi-sur-le-co2.html
3) https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2017/763/fr
4) https://www.bfe.admin.ch/bfe/fr/home/politique/cantons-et-communes.html
5) https://hubenergiebatiment.ch/politique-energetique-des-cantons/le-mopec-2014/#situation-initiale
7) https://www.bak.admin.ch/bak/fr/home/baukultur/qualitaet/normen/sia-normen.html